Paiements en vertu de l'Accord de règlement relatif aux pensionnats indiens

7 décembre 2006

En mai 2006, à la suite d'une annonce faite dans le budget fédéral, l'Accord de règlement relatif aux pensionnats indiens a été conclu dans le but de fournir « un paiement d'expérience commune au profit de tous les anciens élèves des pensionnats indiens admissibles, un Processus d'évaluation indépendant afin de régler les réclamations pour abus sexuels et sévices graves, de même que des mesures de soutien à la guérison, des activités commémoratives et l'établissement d'une Commission de la vérité et de la réconciliation ». L'Accord de règlement doit obtenir l'approbation du tribunal dans neuf juridictions canadiennes avant d'être mis en œuvre. Dans l'intervalle, le gouvernement du Canada a lancé un programme de paiement anticipé afin de s'assurer que les anciens élèves âgés reçoivent leur indemnisation le plus rapidement possible.

On a demandé au Bureau du surintendant des faillites (BSF) si, à son avis, les sommes versées en vertu de l'Accord de règlement font partie des biens du failli en vertu de l'article 67 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI) ou, dans le cas contraire, si elles sont visées par l'article 68.

La décision rendue dans l'affaire Brodie (1969) 1 O.R. 285 explique la jurisprudence sur cette question. Elle confirme le principe établi dans l'affaire Hollister (1926) 3 D.L.R. 707, qui constitue une décision de la Cour suprême de l'Ontario rendue par le juge Fisher J. Dans l'espèce, le syndic, agissant au nom et pour le compte des créanciers, avait demandé le versement de sommes attribuées à un failli n'ayant pas obtenu sa libération par suite de blessures corporelles subies dans un accident de voiture. Le juge mentionnait ce qui suit : Traduction « Il est clair d'après la jurisprudence que la Loi sur la faillite n'a jamais eu pour finalité d'accroître les biens d'une personne insolvable afin que ces biens soient répartis entre ses créanciers, au moyen de sommes obtenues par suite de poursuites pour blessures personnelles, puisque ces sommes sont octroyées au débiteur en raison de sa douleur, de sa souffrance et de la perte de qualité de vie, pour acquitter les frais de médecins, d'infirmières ou d'hospitalisation, et pour l'aider pendant qu'il n'est pas en mesure de gagner sa vie et de subvenir aux besoins de sa famille. Seul le produit de poursuites qui vise directement les biens du failli et qui peut être converti en actifs pour le paiement des créanciers est transféré au syndic choisi par le débiteur. Le produit de recours en justice du fait de la souffrance physique ou mentale, comme les poursuites pour voies de fait, séduction et adultère et les poursuites en dommages et intérêt, demeure une possession du failli.

Comme c'était le cas dans l'affaire Brodie, il faut déterminer quelles portions du paiement de règlement vise les souffrances et la douleur, et quelle portion pourrai avoir trait aux biens du failli. La formule introductive de l'Accord de règlement lui-même, ainsi que l'information fournie sur la Foire aux questions dans la section, fournissent une orientation générale à ce sujet. Ces deux sources portent sur les sévices et les préjudices subis par les enfants autochtones vivant dans ces pensionnats et sur le désir de « résoudre pour de bon et de manière juste et globale les séquelles laissées par les pensionnats indiens » ainsi que de « promouvoir la guérison, l'éducation, la vérité, la réconciliation et la commémoration ». Rien n'indique que les paiements soient liés de quelque façon que ce soit aux biens du failli. On conclut donc que ces paiements ne constituent pas un bien divisible entre les créanciers en vertu de l'article 67 de la LFI.

En ce qui a trait à la question de savoir si les paiements au titre du règlement sont visés par l'article 68 de la LFI et font partie du calcul du revenu excédentaire, on conclut que ces paiements n'ont aucun lien avec le revenu gagné par le débiteur puisqu'ils visent à compenser les souffrances et la douleur et qu'ils constituent un avantage inattendu.

Il est stipulé dans une décision rendue par le juge Burrows concernant la remise sur les ressources de l'Alberta (Alberta Resource Rebate) en 2005 dans l'affaire Coates (2006, A.J. No. 300), qu'un revenu ne devrait pas être inclus dans le revenu excédentaire lorsqu'il n'a rien à voir avec l'utilisation de ressources personnelles ou d'autres actifs, lorsqu'il n'est pas lié aux dépenses d'entretien personnel, ou lorsqu'il s'agit d'un type de revenu qui ne serait généralement pas utilisé pour payer les frais de subsistance ordinaires. Cela dit, il serait très difficile de conclure que les sommes versées en vertu de l'Accord de règlement devraient être prises en compte dans le calcul du revenu excédentaire.

En outre, l'article 18.01 de l'Accord de règlement stipule qu'aucun montant payé en vertu de l'accord ne peut faire l'objet d'une cession, et que toute cession est nulle d'une nullité absolue, sauf disposition expresse dans l'accord. Selon la volonté du gouvernement, ces paiements n'auront pas d'incidence sur les prestations d'aide sociale et ils ne seront pas visés par l'impôt sur le revenu.

Le BSF a donc déterminé que les paiements versés au failli en vertu de l'Accord de règlement demeurent les possessions du failli, qu'ils ne constituent pas un bien de l'actif divisible entre les créanciers et qu'ils ne devraient pas être considérés comme un revenu aux fins de l'article 68 de la LFI.

Il faut souligner que la position adoptée par le BSF vise uniquement les paiements versés en vertu de l'Accord de règlement et que tout montant versé par suite d'un autre jugement ou dans le cadre d'une autre entente doit faire l'objet d'un examen ponctuel afin de déterminer si certaines portions ont trait aux biens ou au revenu du failli.