James Gordon Touchie —

Décision sur la conduite professionnelle

Qu'est-ce qu'une décision sur la conduite professionnelle?

Le BSF ouvre une enquête sur la conduite professionnelle d'un syndic autorisé en insolvabilité (SAI) lorsqu'il dispose d'information laissant croire que le SAI n'a pas rempli adéquatement ses fonctions, n'a pas administré un dossier comme il se doit ou n'a pas respecté la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI).

Dans certains cas, les conclusions de l'enquête sont suffisamment graves pour donner lieu à une recommandation de sanction visant la licence d'un SAI [annulation ou suspension de la licence en vertu du paragraphe 13.2(5)] ou imposition de conditions ou de restrictions en vertu du paragraphe 14.01(1) de la LFI.

La décision sur la conduite professionnelle est assimilée à celle d'un office fédéral et peut faire l'objet d'un examen judiciaire par la Cour fédérale.

Canada

Province du Nouveau-Brunswick
District judiciaire de Moncton

Dans l'affaire de l'instance de discipline professionnelle tenue en vertu de la loi sur la faillite et l'insolvabilité (ci-après la « Loi »)

Entre:
Mme Ann Speers
Analyste principale, bureau du district de Toronto du Bureau du surintendant des faillites
(appelée ci-après l'« Analyste principale »)

Et

James Gordon Touchie
(appelé ci-après le « Syndic »)
Et

J.G. Touchie & Associates Ltd.
(appelée ci-après la « Personne morale titulaire d'une licence de syndic » (appelés collectivement ci-après les « Syndics »)
Président :
L'honorable Benjamin J. Greenberg, C.R.

Délégué du surintendant des faillites (parfois appelé ci-après le « Délégué »)

Montréal, le

Décision sur les Sanctions

  1. Attendu que des plaintes ont été déposées contre les Syndics en l'espèce en ce qui concerne :
    1. l'administration par la Personne morale titulaire d'une licence de syndic des faillites liées de Perfection Dairy Foods Limited (ci-après « Perfection ») et de McKay's Dairy Ltd. (ci-après « Mckay's »). Les faillites Perfection et Mckay's étant ci-après désignées collectivement comme (les « Dairy Estates »);
    2. l'administration par la Personne morale titulaire d'une licence de syndic des CBC et particulièrement les conciliations bancaires, l'omission de s'occuper efficacement et rapidement des chèques sans fonds et des chèques périmés et l'inscription et la répartition des intérêts gagnés à chaque actif individuellement;
    3. l'omission des Syndics de coopérer avec les représentants du Surintendant, en l'occurrence le Vérificateur et l'analyste principale durant le cours des vérifications et des enquêtes;
  2. Attendu que l'audience sur le fond sur les plaintes concernant la conduite professionnelle des Syndics a eu lieu à Moncton, Nouveau-Brunswick les , , , et ;
  3. Attendu que dans sa décision sur le fond datée du , le soussigné a conclu que plusieurs des plaintes portées contre les Syndics avaient été établies et elles ont été retenues;
  4. Attendu que chacun des termes définis dans la décision sur le fond sera réputé avoir la même signification dans la présente Décision sur les sanctions;
  5. Attendu que dans la deuxième plainte en gravité parmi celles qui ont été retenues, il est mentionné que les Syndics n'ont pas coopéré avec les représentants du Surintendant;
  6. Attendu toutefois que, exception faite de la plainte mentionnée au paragraphe précédent où il est reproché aux Syndics d'avoir eu un comportement répréhensible, les éléments de preuve présentés à l'audience sur le fond n'ont pas réussi à démontrer que les Syndics avaient eu un comportement moralement répréhensible. Les éléments de preuve ont plutôt démontré que les Syndics avaient commis des erreurs administratives, ce que les syndics ont candidement admis à l'audience sur le fond;
  7. Attendu que les parties, leur avocat et le Délégué se sont réunis de nouveau à Moncton, Nouveau-Brunswick le en vue de permettre aux avocats de présenter des éléments de preuve et de faire leurs observations sur les sanctions appropriées à imposer;
  8. Attendu que parmi les plaintes qui n'ont pas été retenues, une a été retirée au début de l'audience sur le fond et deux n'ont pas été prouvées et ont, en conséquence, été rejetées;
  9. Attendu que la plainte retirée est celle portant sur la déduction inappropriée des frais d'administration des intérêts gagnés sur les CBC, étant donné que le Bureau de division de Halifax du Surintendant avait, plusieurs années auparavant, explicitement autorisé cette pratique dans une lettre adressée à la Personne morale titulaire d'une licence de syndic;
  10. Attendu que les éléments de preuve présentés à l'audience sur les sanctions ont démontré que bien que L'analyste principale ait décidé de retirer cette plainte un mois avant l'audience sur les sanctions, ni les Syndics ni leur avocat n'avaient été informés de cette décision avant le début de l'audience sur les sanctions;
  11. Attendu qu'il aurait été approprié que l'analyste principale informe les Syndics ou leur avocat de cette décision ou demande à son avocat d'informer les Syndics ou leur avocat de cette décision aussitôt qu'elle avait été prise pour éviter ainsi aux Syndics d'avoir à se préparer inutilement à répondre à cette plainte à l'audience sur les sanctions;
  12. Attendu que deux plaintes n'ont pas été établies et ont été rejetées, que l'une de ces plaintes était la plainte la plus grave, car elle imputait une culpabilité morale aux Syndics en leur reprochant d'avoir fait des retraits importants d'honoraires des Dairy Estates sans autorisation et que l'autre plainte reprochait aux Syndics de ne pas avoir maintenu continuellement une liste mensuelle de tous les actifs individuels;
  13. Attendu que l'analyste principale a persisté à ne pas réduire les sanctions qu'elle avait recommandé d'imposer dans sa lettre du aux Syndics (voir à 1'onglet 4 des représentations écrites de l'analyste principale en vue de l'audience sur les sanctions, datées du ), lettre qui était évidemment fondée sur l'hypothèse que toutes les plaintes portées contre les Syndics seraient prouvées et retenues même si, conformément à la décision sur le fond, la plainte retirée et les deux plaintes rejetées étaient exclues de la discussion et qu'à l'audience sur les sanctions le soussigné a clairement indiqué à l'analyste principale et à son avocat que ces trois plaintes étaient exclues de la discussion;
  14. Attendu que les sanctions que l'analyste principale avait recommandées d'imposer dans sa lettre du et qu'elle a continué de demander jusqu'après l'audience sur les sanctions étaient les suivantes : suspendre la licence du Syndics pour douze mois, restreindre la licence de la Personne morale titulaire d'une licence de syndic pendant six mois durant lesquels il lui serait défendu d'accepter ou de déposer des nominations conformément à la Loi, et nommer un comptable indépendant acceptable au BSF qui, pendant douze mois, aurait la responsabilité de superviser certains aspects des activités de la Personne morale titulaire d'une licence de syndic et de remettre des rapports trimestriels au Bureau de division de Halifax du Surintendant;
  15. Attendu que c'est seulement dans une lettre non sollicitée datée du , envoyée un mois après l'audience sur les sanctions, que l'analyste principale a unilatéralement modifié ses recommandations. Elle exigeait en outre que le Syndic soit tenu de fermer le dossier Dairy Estates et de procéder à la taxation dans les 120 jours suivant la date de la présente décision, mais elle n'exigeait plus qu'un comptable indépendant acceptable supervise les activités de la Personne morale titulaire d'une licence de syndic. Dans cette lettre, l'analyste principale formulait les autres recommandations suivantes :

    [Traduction]

    1. « En ce qui concerne J.G. Touchie & Associates, restreindre la licence pendant deux mois avec défense d'accepter tout nouveau dossier et restreindre la licence pendant une période supplémentaire de deux mois avec défense d'accepter des dossiers seulement dans le district judiciaire de Moncton;
    2. En ce qui concerne James Gordon Touchie, suspendre la licence pendant quatre mois avec obligation de fermer le dossier Dairy Estates et de procéder à la taxation dans les 120 jours de votre décision. »
  16. Attendu que dans ses observations écrites en vue de l'audience sur les sanctions, le procureur des Syndics a recommandé, puisque mes conclusions dans la décision sur le fond en ce qui concerne le Syndics faisaient référence à des lacunes administratives plutôt qu'à une culpabilité morale, que toute restriction que j'imposerais au Syndics devrait [Traduction] « être mesurée en jours et durer, au maximum, deux semaines et qu'une suspension de quelque nature que ce soit serait totalement inappropriée »;
  17. Attendu que dans les paragraphes 20, 21 et 22 de la décision sur le fond, j'ai déclaré ce qui suit  :

    20. Je voudrais, d'entrée de jeu, commenter un fait. Dans son Rapport, l'analyste principale se sert continuellement de mots ou d'expressions telles que « manques », « insuffisances » ou « fonds qui manquent » lorsqu'elle fait référence aux Syndics. L'emploi d'un tel langage ne peut faire autrement que donner l'impression au lecteur raisonnable et informé que l'analyste principale estimait qu'il existait un certain élément de malhonnêteté ou qu'il y avait eu détournement de fonds ou pire. Il aurait été plus approprié d'utiliser des mots tels que « écarts », utilisé par M. Sherrard, ou « différences », utilisé par le Vérificateur.

    21. Au début l'audience à Moncton, le , Me Tim Hill, l'avocat de l'analyste principale, a déclaré ce qui suit dans ses remarques préliminaires :

    [TRADUCTION] « … dans le rapport, il est question, entre autres choses, de comptes en fiducie et d'argent, et on y emploie parfois des mots tels que « manques » ou « fonds qui manquent ». Je veux affirmer clairement au nom du ministère que nous n'avons nullement l'intention d'indiquer ou de laisser entendre qu'il y a eu détournement de fonds ou quoi que ce soit, ou que M. Touchie ou ses employés ont, de quelque façon que ce soit, été malhonnêtes. Nous ne laissons pas entendre cela, et je veux maintenant l'affirmer clairement. »

    22. Du , la date du Rapport, jusqu'au des soupçons de malhonnêteté ont plané sur les Syndics, leur société et les syndics employés par la société. Cette situation a certainement causé beaucoup d'inquiétude, de stress et d'insomnies au Syndics. Ces soupçons auraient pu et auraient dû être levés bien plus tôt, et il était injuste de ne pas le faire. Lorsque viendra le temps d'imposer une ou des sanctions aux Syndics, je tiendrai compte de cette injustice. »

  18. Attendu que le moment est venu pour moi de tenir compte de cette injustice;
  19. Attendu que l'analyste principale a insisté sur le fait que les sanctions doivent correspondre à la gravité de la faute et faire ressortir le concept d'exemplarité et de dissuasion;
  20. Attendu que les Syndics ont fait valoir que le soussigné devrait considérer les circonstances atténuantes suivantes que les éléments de preuve ont démontrées :
    1. durant toute sa carrière de 34 ans, le Syndics a, par ailleurs, démontré une bonne conduite et a eu un dossier disciplinaire sans tache, tant avant qu'après les événements dont il est question en l'espèce;
    2. il doit, par conséquent, être considéré et traité comme un délinquant qui en est à sa première infraction;
    3. les Syndics n'ont pas bénéficié ni tiré profit personnellement de quelque façon que ce soit de leur mauvaise conduite en l'espèce. De fait, le Syndics a dû puiser dans ses fonds personnels et déposer environ 19 700 $ dans les CBC pour combler la « différence » (l'« écart ») entre les soldes des CBC d'après les conciliations corrigées et les soldes réels des CBC, et il semble que ce montant ne lui sera jamais remboursé;
    4. la mauvaise conduite pour laquelle des sanctions doivent être imposées aux Syndics n'a pas causé de perte aux créanciers des diverses faillites concernées et n'a pas eu de conséquences négatives à leur égard;
  21. Attendu que l'un des avocats des Syndics, Me David T. Hashey, c.r., a fait valoir que, vu les conséquences négatives sérieuses que l'instance disciplinaire a eues jusqu'à maintenant sur la santé du Syndics, je devrais faire preuve de compassion à son égard;
  22. Attendu que pour ne pas violer la vie privée du Syndics, et puisque les problèmes de santé du Syndics sont connus des parties et de leurs avocats, j'éviterai à ce stade de les décrire;
  23. Attendu que cet argument a fait vibrer une corde sensible;
  24. Attendu que dans des cas particuliers où les faits et les circonstances le permettent, comme dans le cas présent, il ne serait pas inapproprié, lorsqu'un tel argument est soulevé, que la miséricorde nous fasse adoucir le cours de la justice et que le délégué du Surintendant tienne compte de cet élément lorsqu'il rend sa décision;
  25. Attendu toutefois, que lorsque l'on détermine une sanction disciplinaire, on ne doit pas tenir compte uniquement des besoins particuliers et de la situation particulière de chaque syndic, mais également de l'intégrité du système de faillite et d'insolvabilité;
  26. Attendu que qu'en matière de conduite professionnelle, la sanction ne vise pas principalement à punir le professionnel, mais également à servir d'exemple et à avoir un effet dissuasif de sorte à protéger également le public et l'intégrité de la profession de syndic de faillite;
  27. Attendu qu'il ne faut pas non plus mettre l'accent sur le principe de l'exemplarité et de la dissuasion au point que la sanction opprime le délinquant;
  28. Attendu que bien que son siège soit à Moncton au Nouveau-Brunswick, la Personne morale titulaire d'une licence de syndic exploite également sept succursales à Bathurst, à Edmunston, à Caraquet, à Miramichi et à Grand Falls, Nouveau-Brunswick, et à Charlottetown et à Summerside, Île-du-Prince-Édouard, pour mieux répondre aux besoins de la population francophone dans le Nord du Nouveau-Brunswick et dans l'Île-du-Prince-Édouard;
  29. Attendu que tant et aussi longtemps que la licence de la Personne morale titulaire d'une licence de syndic ferait l'objet d'une restriction, cette population serait privée des services de M. Ronald Arsenault, un syndic de faillite très compétent et expérimenté qui travaille pour la Personne morale titulaire d'une licence de syndic et visite régulièrement ces sept succursales;
  30. Attendu qu'en ce qui concerne les syndics de faillite en général, certaines des plaintes prouvées en l'espèce concernent des infractions graves qui attaquent et minent l'essence même des responsabilités d'un syndic, ont des répercussions directes sur l'intégrité du système de faillite et d'insolvabilité, ont des effets négatifs sur la perception du public en général à l'égard de ce système et minent la confiance du public en général à l'égard de ce système;
  31. Attendu que j'ai évalué et soupesé tous les faits et considérations mentionnés ci-dessus;
  32. Attendu que j'ai également examiné les décisions que les avocats des deux parties ont soumises, y compris les décisions que j'ai rendues dans certaines autres instances disciplinaires instituées contre des syndics de faillite et que j'ai tenu compte de toutes ces décisions lorsque j'ai déterminé les sanctions dans le cas présent.
  33. Conclusion

    Chaque copie de la présente Décision sur les sanctions signée par le Délégué revêt la même validité et la même authenticité et peut être utilisée comme telle à toutes fins légales.

Le soussigné, délégué du surintendant des faillites conformément au paragraphe 14.01(2) de la Loi, ayant soupesé et considéré tout ce qui précède ainsi que tous les faits et les circonstances dans le présent cas, Ordonne ce qui suit :

  1. que la Licence de M. James Gordon Touchie, Syndic de faillite, soit suspendue, et elle est Suspendue par les présentes, pour une période de six semaines, à compter du jusqu'au , et durant cette période il ne sera pas autorisé à être nommé ou à agir dans des affaires en vertu de la Loi;
  2. que le Syndic, M. James Gordon Touchie soit tenu et est Par Les présentes tenu de fermer le dossier des Dairy Estates et de procéder à la taxation dans les 120 jours suivant la date de la présente Décision sur les sanctions;
  3. que la Licence de J.G. Touchie & Associates Ltd., la Personne morale titulaire d'une licence de syndic, soit restreinte et est Par les présentes restreinte, pour une période d'un mois, à compter du jusqu'au , à L'administration des actifs pour lesquels la personne morale titulaire d'une licence de syndic a été nommée avant le ;
  4. que la Licence de J.G. Touchie & Associates Ltd. soit et est Par les présentes restreinte, pour une période supplémentaire d'un mois, du au , à l'administration des actifs pour lesquels la Personne morale titulaire d'une licence de syndic a été nommée avant le . La présente restriction, toutefois, ne s'appliquera que dans le District judiciaire de Moncton.
  5. Les diverses dispositions de la présente Ordonnance entrent en vigueur à chacune des dates mentionnées ci-dessus.

L'honorable Benjamin J. Greenberg, Q.C.
Dé du Surintendant

Me Tim Hill
Avocat de l'analyste principale;

Mes George L. Cooper et David T. Hashey, Q.C.
Avocates des Syndics.



Le présent document a été reproduit dans sa version originale, telle que fournie par le délégué du surintendant des faillites.